Zoom sur l’évolution de l’articulation des normes conventionnelles depuis 2008

Après notre zoom sur l’articulation des normes jusqu’en 2008,  cet article est consacré à l’évolution de l’articulation des normes depuis 2008, telle qu’opérée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui réforme le temps de travail, et la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi « Travail ».

La loi du 20 août 2008 : L’affirmation de la primauté de l’accord d’entreprise

La loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui réforme le temps de travail, accorde une place encore plus importante à la négociation collective afin d’aménager le temps de travail dans l’entreprise.

Cette loi vient consacrer le principe de la supplétivité des accords de branche par rapport aux accords d’entreprise. Toutefois, cette supplétivité s’applique uniquement pour les sujets suivants :

  • le contingent d’heures supplémentaires ;
  • l’aménagement du temps de travail ;
  • la mise en place de conventions de forfaits ;
  • le fonctionnement du compte épargne temps.

(cf. Titre II de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008)

La loi de 2008 pose donc un nouveau principe : l’accord d’entreprise est prioritaire, la branche intervenant à défaut mais uniquement en ce qui concerne l’aménagement du temps de travail.

Avec cette loi, le législateur est ainsi allé plus loin dans sa volonté de décentraliser le droit du travail, en prévoyant la supplétivité des conventions et accords de branche par rapport aux accords d’entreprise. Cette technique de la supplétivité permet d’écarter l’application de la convention ou accord collectif de branche dès lors qu’un accord d’entreprise a été conclu sur le sujet.

Il faut alors comprendre que pour les quatre sujets de négociation évoqués ci-dessus, l’interdiction expresse prévue par l’accord de branche ou encore le fait que la convention ou l’accord de branche soit conclu avant le 4 mai 2004 ne sont plus des freins à la négociation d’entreprise. Cela s’explique par le fait que « l’entrée en vigueur de la loi est immédiate permettant ainsi la négociation d’accords d’entreprise nonobstant l’existence éventuelle de clauses contraires dans l’accord de branche » et « quelle que soit la date de conclusion de ce dernier » (cf. CC, 7 août 2008, no 2008-568 DC et Cass. soc, 1er mars 2017, n° 16-10.047).

En revanche, la loi du 20 août 2008 n’est pas revenue sur le principe selon lequel, outre les 4 sujets évoqués ci-dessus, il est interdit de prévoir des dispositions moins favorables que l’accord de niveau supérieur si :

  • cet accord l’interdit expressément ; ou
  • cet accord a été conclu avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004.

Pour résumer, cette loi, dans son volet consacré au temps de travail, confère une place encore plus grande à la négociation collective d’entreprise subsidiairement à celle de branche et marque ainsi une nouvelle étape dans l’inversion des normes.

La loi du 8 août 2016 : Le renforcement de la primauté de l’accord d’entreprise

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail, poursuit le processus d’inversion des normes.

Jusqu’à l’adoption de cette loi, l’accord d’entreprise primait sur l’accord de branche mais uniquement sur un nombre limité de sujets relatifs à la durée du travail.

Avec cette loi, la primauté de l’accord d’entreprise par rapport à l’accord de branche s’applique à l’ensemble des sujets relatifs à la durée du travail, aux congés et aux repos (cf. Livre 1er de la troisième partie du code du travail).

La limite de ces négociations n’est plus fixée par la norme supérieure mais par l’ordre public défini par le législateur pour chaque thème. Cela a conduit à réviser l’architecture du code du travail pour ce qui est des dispositions relatives aux trois thèmes concernés.

Le code du travail hiérarchise désormais, au sein de chacun de ces thèmes, les normes applicables, et précise :

  • les dispositions d’ordre public qui s’imposent aux contractants et ne peuvent donc pas être écartées par un contrat ou une convention. Les clauses du contrat ou de la convention contraires à ces règles d’ordre public sont nulles et donc inapplicables ;
  • les dispositions relevant du « champ de la négociation collective » pour lesquelles un accord d’entreprise, ou à défaut, un accord de branche, peut écarter toute norme de niveau supérieur, sous réserve de respecter les règles relevant du principe de faveur ;
  • les dispositions supplétives qui ont vocation à s’appliquer en l’absence de clauses conventionnelles.

La loi Travail opère une transformation de l’articulation des accords collectifs de niveaux différents avec une tendance très nette à une décentralisation de la source conventionnelle vers l’entreprise.

La loi Travail va cependant ajouter deux nouvelles matières pour lesquelles il est interdit de prévoir des dispositions moins favorables que l’accord de niveau supérieur. Comme vu précédemment, cette interdiction prévaut pour les salaires minima, les classifications, les garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire et la mutualisation des fonds destinés à la formation professionnelle. Désormais, cette interdiction s’applique aussi en matière de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (cf. article L2253-3 du code du travail).

Pour finir, cette loi va allonger la liste des thèmes pour lesquels la branche dispose d’une exclusivité de négociation, en y ajoutant notamment :

  • la mise en place d’une durée du travail d’équivalence (cf. article L3121-14 du code du travail) ;
  • la définition du nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit (cf. article L3122-16 du code du travail) ;
  • pour les salariés à temps partiel : la durée minimale du travail (cf. article L3123-19 du code du travail), le taux de majoration des heures complémentaires (cf. article L3123-21 du code du travail) et le recours aux avenants de compléments d’heures (cf. article L3123-22 du code du travail).

La loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail avait déjà ouvert la voie en matière de durées et conditions de renouvellement de la période d’essai (cf. article L1221-21 du code du travail).

Ces domaines ne peuvent donc faire l’objet de négociations par accords d’entreprise.

Pour autant, la nouvelle articulation des normes instaurée par la loi Travail est venue considérablement accroître la place de la négociation d’entreprise au détriment de celle de branche 

Les suites de la loi du 8 août 2016 : Le renforcement du dialogue social

La réforme du code du travail au-delà de la loi Travail s’est poursuivie avec l’adoption le 15 septembre de la loi n° 2017-1340 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, la réforme du code et, par la suite, des cinq ordonnances le 22 septembre 2017.

La tendance engagée avec la loi Travail se poursuit donc avec l’allongement de la liste des thèmes pouvant faire l’objet de dérogations par accord d’entreprise.

Le détail de cette dernière réforme a fait l’objet de plusieurs articles publiés sur le site PREVENTEO :

– 2 novembre 2017 –

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